Nos chevaux .

Une décade et plus au service de l'école .
Première partie


Les chevaux nous quittent, mais ils trottent et galopent longtemps dans les souvenirs de ceux qui les ont montés. Souvent, j'entends la nostalgie et l'enthousiasme animer les conversations des cavaliers quand ils parlent des péripéties vécues sur le dos des chevaux qu'ils ont aimés.

J'ai envie de rendre un petit hommage à ceux qui sont restés 10 ans et plus au Bois du Roi.
Ils sont évoqués dans l'ordre d'entrée à l'écurie.

Cutler

En janvier 1990, le pur-sang anglais Cutler, tout juste 6 ans, est entré dans notre écurie. Il allait être le premier de la liste à y vivre une décennie. Dans son cas 10 ans tout juste, car il est parti, en janvier 2000.
Ce fut un cheval très marquant, spécial par bien des côtés, pour tout dire une personnalité mémorable. Il était d'un bai magnifique, il venait de prendre 6 ans. Pétillant hongre de 1,63 m , c'était un chic modèle qui plaisait beaucoup malgré des jarrets trop droits.

Il possédait de charmantes petites oreilles toujours pointées droit devant. Avant nous, il avait transité par une écurie de dressage de Binche. Bien qu'il soit né en Angleterre, personne ne savait s'il avait foulé le turf anglais. Il était venu en Belgique pour les courses de galop et il semble qu'il en couru deux ou trois sans réussite avant d'être acquis par les dresseurs binchois Je l'avais acheté par commande d'un père qui voulait l'offrir à sa fille, cavalière au Bois du Roi. Mais il s'est avéré que Cutler était trop difficile. Je l'avais sur les bras et c'est presque contraint que je décidai de le prendre comme monture pour moi (j'avais envie de travailler un cheval) et peut-être comme cheval de concours dans le cas ou un élève s'en accommoderait.


Il était d'une anxiété presque permanente. Tellement qu'il avait besoin d'un compagnon au box pour l'apaiser. C'était un bouc ! Bouc qui chargeait volontiers tous ceux qui pénétraient dans le box, de sorte que seller Cutler était parfois un peu périlleux ! Quand on lui retirait son ami le bouc, Cutler devenait hystérique en s'agitant comme un pauvre fou.
En promenade, il était extrêmement sur l'œil. Il stoppait net, passant (comment était-ce possible ?) du grand galop à l'arrêt instantané pour la moindre chose qui lui semblait inhabituelle, une feuille morte ou un papillon faisait l'affaire. Un jour, il lui fallu une demi-heure pour daigner descendre un minuscule talus de 40 cm . Après avoir enfin franchi ce terrible contrebas, il était blanc d'écume. (J'aurais été plus avisé de revenir plus tard, un vieux routier devant nous. Cela aurait fait moins d'histoire !)
Enfin à force de travail, il fut à peu près gérable. Il permit à beaucoup de candidats, la réussite de l'examen premier degré car il était devenu assez bon, surtout à l'obstacle.

Il fit pas mal de concours avec Xavier Snackers , allant jusqu'à remporter des flots sur la hauteur de 1m 10. Mais il avait souvent peur en découvrant la piste d'obstacles et il fallait entrer au reculé, ce qui faisait rire tout le monde !
En 1997, c'est grâce à lui que j'ai repris la compétition en concours complet après 20 ans d'arrêt. Lors de notre premier concours, comme un chat, iI a enchainé tous les obstacles du cross et nous avons obtenu un flot. Un très bon moment, d'autant  que Katherine Etienne-George m'assistait comme groom.
Malgré qu'il travaillait assez peu, Cutler ne fit pas une carrière extrêmement longue. Il se blessait facilement. Au fil du temps, ses postérieurs s'étaient couverts de tares et en quelques mois, boiteux chronique, il devint inapte au travail.




Lalleza
Les toutes premières années, nous préférions enseigner l'équitation à des enfants de 12 ans au moins. Mais il y avait une demande importante pour des élèves de 9 à 12 ans. C'est ainsi que quelques petites montures adaptées ont enrichis l'écurie.
Lalleza est apparue chez nous il y a tellement longtemps (en mai 1991) que je ne me rappelle plus de chez quel maquignon elle venait. Nous ne savons rien de ses premières années.


Un jour, un marchand l'a amenée et c'est tout. Arrivée en même temps qu'elle, il y avait aussi Mancha et Flicka que les plus anciens ont connues.
Lalleza aura 23 ans dans quelques mois ! Presque tous ses cavaliers ont moins que la moitié de son âge ! Et pourtant, elle est impeccable. Des jambes quasi parfaites, une santé de jouvencelle, et une aptitude au travail toujours aussi performante. Pour s'en convaincre, 
il n'y qu'à l'observer sur la piste de galop. Elle y emmène plus vite qu'ils ne le voudraient presque tous ses petits cavaliers! Parfois, tous les autres chevaux de la reprise transpirent, mais Lalleza n'a pas un poil humide. Et pourtant, en 16 ans, elle a déjà parcouru tellement de km, été montée par tant et tant de personnes différentes ! Un bref calcul et j'obtiens 100 000 km (deux fois et demie le tour du monde !) avec 1500 cavaliers différents ! On en reste pantois ! C'est presque incroyable !


Je me souviens que Marie Lequarré a fait ses premiers moments sur son dos, il y a 14 ans.
Combien de temps pourra t'elle encore travailler, nous demande t'on souvent ?
Cette année, j'ai vu un cheval de 29 ans terminer à 10 km/h une course d'endurance de 30 km . On sait aussi que les poneys vieillissent mieux que leurs congénères de plus grande taille…
Tant qu'elle le fait facilement, Lalleza restera au Bois du Roi. Personne ne peut prévoir
le temps que cela durera encore, mais je ne me réjouis pas de ne plus voir Lalleza dans notre écurie. La dernière d'une époque, c'est notre mascotte à tous.


Hassan

Hassan est né en 1986 chez un agriculteur, tout près des Trois Bornes. Sa mère était une lipizzan, race rare dans la région. Vers 1980, un cirque aux maigres finances en tournée parmi nos villages l'avait cédée à l'éleveur. Son père était un étalon BWP. Hassan nous a rejoints en juin 1991.

Il est un des cinq meilleurs chevaux ou poneys qui soient passés dans nos écuries. Joli modèle bai de 1 m 46, il savait tout faire. Il a permis les progrès de plusieurs centaines de cavaliers, du novice jusqu'au premier degré. Des petits de 7 ans l'ont monté, mais il a aussi porté des hommes de 85kg. Pour lui beaucoup de leçons avec des débutants, mais il faisait très bien les leçons d'obstacles et la reprise de dressage du premier degré. Gagnant de nombreuses épreuves du challenge d'obstacles, il a en outre franchi la distance Warsage-Arlon ou Warsage-Bouillon une quinzaine de fois lors des randonnées.

Vers 2002, il a bénéficié d'une semi retraite grâce à Betty Mulkers qui l'avait acquis et mis en pension au manège. Il vit maintenant dans une ferme pour chevaux retraités, au milieu des prés, près du village de Feneur.
Tous ceux qui l'ont bien connu repensent à ce merveilleux poney avec estime et admiration. Parfois, je passe à cheval à côté de lui. Je l'appelle : «  Hassan, Hassan ». Il ne peut pas avoir désappris cette voix qui a commandé une multitude de reprise qu'il a faites, ni oublié cette main qui l'a nourri des milliers de fois. Pourtant, il se contente de lever la tête d'un geste lent, puis après m'avoir jeté un bref regard négligeant, il retourne nonchalamment à son pâturage.






D'autres chroniques parlerons de Gato, Sahada, Gribouille, Shaguy, Juju, Abel, Socrate, Baloo, Panpan, Baghera, Bambi, Tintin, Majoli et Roman Si vous aimez particulièrement un de ces chevaux, vous êtes bienvenu pour aider à écrire dans cette séries d'articles.


Michel Lequarré

[contact : Manège@boisduroi.be ] 24, La Heydt 4608 Warsage Tél : 04/ 376 66 79
Mise à jour : 18-déc-14 ]