Randonnée dans les Cévennes

Des journées exceptionnelles


Les deux plus anciens, à l'origine du projet. Yvon Fabry sur Blitz et Michel Lequarré qui monte May-By.


Nous avons rencontré en la personne de Jacques Bravais un partenaire qui nous a encadré.
C’était la meilleure chose possible. Jacques organise de main de maître des randonnées
fantastiques partout en France et ailleurs. voir son site

Journal de randonnée

Les Cévennes du 6 au 13 juillet 2010

Les préparatifs

A l’issue de la randonnée 2009 avait germé le projet d’un voyage ambitieux afin de célébrer la vingtième année de nos expéditions. La région des Cévennes, ceux qui la connaissaient en étaient persuadés, pouvait nous combler .

Lors d’une course en Espagne, j’avais rencontré un habitant cévenol à même de nous aider. Il possédait un gîte tout en étant impliqué dans le monde équestre local. Nous prîmes rendez-vous pour le salon du cheval à Avignon où il tiendrait un stand.  En même temps nous pensions, Marie-Anne et moi entamer les repérages, car les Cévennes sont sur la route d’Avignon.

Le salon d’Avignon a lieu en janvier.
Ce premier mois de l’année 2010, il y avait entre 40 et 80 cm de neige dans les hameaux d’hébergement que nous étions censés visiter. Néanmoins, comme la prise d’un bon contact me semblait absolument nécessaire, nous sommes quand même montés dans le train pour la cité des papes. Mais là, aucun signe de l’homme que j’avais vu à Barcelone…

Heureusement, un sexagénaire sympathique, coiffé d’une crinière blanche rassemblée en queue de cheval montre de l’intérêt pour notre projet. Il s’appelle Jacques Bravais. Professionnel de la rando depuis 25 ans, il vient de s’installer au gîte de Nissoulogres, un coin perdu proche du cœur des Cévennes.

Quelques mails et conversations téléphoniques entre Jacques Bravais et le Bois du Roi nouent notre relation.
Il propose une rando peaufinée au cours de nombreuses éditions précédentes. Les hébergements, les itinéraires déjà tracés sur les cartes, tout serait au point.

Pour en être certain, fin mars, je me rends sur place. Je visite tout… et reviens ravi. Les lieux de logement cadrent, les réservations ont été prises comme convenu par Jacques. C’est l’homme dont nous avions besoin . J’appréhendais surtout les aléas liés à l’éloignement (960 km). En Ardenne, il  est aisé de prospecter. Je connais les difficultés du terrain. Et en cas de problème, notre base arrière reste proche. Là-bas rien de tout cela !

Des gestes généreux permettent à notre groupe de s’ engager. Xavier Snackers prête  sans hésiter son Iveco pour l’intendance. Marie Lonay confie sa toute nouvelle voiture à Ralph Dejardin malchanceux, car en catimini, un malotru a embouti de nuit son véhicule, parqué devant chez lui. Philippe de Brogniez accepte de tirer le van mis à disposition par Michel Emonts. Anne Cécile Huyts,  blessée, fera quand même l’assistance avec Marie Lonay. Beaucoup de solidarité.

4 juillet

A 6 heures, nous partons Ali et moi vers Nissoulogres. Nous tractons Joshua, Majoli et Sahid.
Philippe de Brogniez suit de quelques heures en tirant Jumanji et Sato. Le reste de l’écurie voyage en camion la nuit du 5 au 6. En tout, 23 chevaux pour 21 randonneurs.

A Nissoulogres, le site est superbe. Le paysage descend doucement puis plonge à pic dans les gorges du Tarn. Au loin, les hautes Cévennes, bleues de brume ferment le décor.

5 juillet

Le poids lourd avec les chevaux parvient à notre point de ralliement. Shaguy n’a pas bien voyagé. Trois paturons sont  éraflés ou même légèrement entaillés. La base de la queue n’est qu’une plaie. On le soigne. Il boîte un peu. Lui qui n’était venu que comme réserve devra de toute façon rester au repos trois ou quatre jours. Sato demeure notre seul suppléant. Cela risque d’être un peu court.

Dans les parcs sans herbes, la cavalerie souffre des insectes. Il y a des centaines de taons trois fois plus gros que ceux que nous connaissons. Nous distribuons beaucoup de foin.

Peu à peu nos amis se rassemblent. Les dernières ne rejoignent Nissoulogres qu’à une heure du matin. Ce sont Marie Lonay, Anne-Cécile Huyts et Fabienne Nihant avec le véhicule d’intendance. Après 16 heures de bitume, elles sont exténuées. Nous avions mal réparti les poids dans l’Iveco qui ne tenait plus la route. Dés Herstal., elles ont dû tout décharger et recharger.

6 juillet

A cheval ! Une gentille mise en route de 5 heures autour de Nissoulogres. On frôle l’abîme des gorges, puis nous parcourons le Causse Sauveterre, un plateau sec et ondulé. Il fait beau. Le vent nous rafraichit. C’est délicieux. Une nuée de papillons (des dizaines d’espèces)  virevolte au-dessus d’une flore variée et colorée.

Les cavaliers montent comme que je pouvais l’espérer. Le groupe fonctionne.

A table, le repas du soir, précédé d’un apéritif inclus dans le prix de la demi-pension (comme les vins à volonté !) comprends une entrée, le plat, les fromages et un dessert. Les agapes durent deux heures ! On est en France ! Nous mangerons (très correctement) ainsi à toutes les étapes !

Les seuls points noirs sont les bestioles. En fin de journée, quand les taons se retirent, des mouchettes exaspèrent à leur tour nos montures. Il y a aussi des mouches plates. Elles adorent se glisser entre les fesses humides…

7 juillet

La première « vraie étape ». Le matin, traversée du Causse Sauveterre. Le vent, plus intense que la veille éloigne les insectes. Après la pause, il fait chaud. Sous le cagnard, en nage, les chevaux gravissent une longue pente. Beaucoup de pierre ! Nous y sommes vraiment ! Six heures en selle aujourd’hui.
Un fer de Diego sonne déjà. Aie !

Le gîte au hameau d’Auriac (3 ou 4 ménages) est un habitat typique, charmant au possible. Nous sommes logés comme les autres nuits par chambrées ou petit dortoir de deux à huit personnes environ. Souvent plusieurs d’entre nous doivent se déplacer à l’hôtel, car notre groupe dépasse les capacités habituelles.

Anne-Cécile se démène en vain au téléphone pour trouver un maréchal-ferrant.

8 juillet

Une journée de rêve ! Trente-huit kilomètres, plus de 7 heures. La plus longue ! Nous montons à 1700 mètres en suivant les crêtes du mont Lozère dans un environnement de landes. Près du ciel, sous le soleil et dans le vent, le regard porte loin. 

Nous franchissons un gué à proximité du pont romain du Tarn à l’endroit où la rivière débute par une eau fraîche et limpide. Le site tout en lignes douces respire la sérénité. Un coin de paradis ! Plus tard le sentier emprunte de larges allées alpestres à travers les rochers arrondis et les pins.

Ces images magnifiques défilent devant mes yeux juste avant le sommeil.
Diego a perdu son fer et aucun maréchal n’accepte de se déplacer. Ojehem est boiteux !  Cela ne m’empêche pas de dormir comme un loir, car Jacques Bravais amène les deux substituts  demain matin. Shaguy a récupéré. Il sera monté par Philipe de Brogniez. Eliane Beckers changera Diego pour Sucrepom et Vincent Marquet héritera de Sato. Nous ne disposons plus de réserve et il reste 5 jours !

9 juillet

Le transfert des remplaçants tarde. Nous nous mettons en route à 18. Noëlle Henrotay qui lit parfaitement les cartes mènera les trois retardataires. Dès les premiers mètres, nous nous confrontons à un relief escarpé. La file marche à petits pas. Souvent nous mettons pied à terre, chacun tirant sur la queue du cheval qui le précède. La descente à pied est interminable, mais le paysage décoiffe. Les manquants rejoignent. Tout va bien.

L’après-midi, on galope un peu. Le chemin serpente entre les arbres, nous empêchant de voir quoi que ce soit. Arrivée dans l’un des  centres d’entrainement les plus prestigieux de l’endurance française. On nous  présente les champions.

Toujours pas de solution pour la maréchalerie. Or, des fers se détacheront inévitablement. Prévoir une tournante en cas d’indisponibilités ?

10 juillet

En homme influent dans sa région, notre hôte convainc un maréchal ferrant de se déplacer le soir même pour une visite générale. Ouf, une grosse épine en dehors de nos pieds !

Ce matin, brume et pluie. Pas grave, la température reste tiède et cela propose d’autres images. D’autant que vers midi, le ciel se dégage peu à peu ce qui vaut de jolies transitions de lumière. Encore et encore de formidables tableaux de moyennes montagnes, souvent différents d’une heure à l’autre. Nous évoluons légers et heureux.

Le forgeron remet des clous et rassure chacun : les ferrures tiendront les trois derniers jours !

11 juillet

Objectif Aigoual. Une montagne à 1570 m un peu isolée des autres d’où, paraît-il, par temps clair, on aperçoit la mer et les Alpes. Nous grimpons. Les panoramas splendides en mettent plein les yeux.

Les chevaux travaillent parfaitement depuis le début. A nouveau aujourd’hui, ils s’adaptent aux sols pierreux et aux sévères dénivelés. Même les moins entrainés comme Nardagant donnent entière satisfaction.

Au sommet, c’est encore plus beau, mais personne ne distingue ni la Méditerranée, ni les Alpes.

Changement complet de décor. On dévale vers le causse Méjean, davantage aride et pelé que son voisin du Sauveterre.

Anne-Lise Crickboom et sa fille Noëlle Henrotay me soulagent de plus en plus en lisant l’itinéraire sur les cartes.

Il y a des équidés de Przewalski, nous n’en voyons qu’un. Un jeune mâle qui nous suit cinq minutes derrière sa longue clôture. Il fait chaud. Nos montures n’ont rien bu depuis le matin.

A l’étape, les chevaux disposent pour la première fois d’une vraie prairie, gorgée d’herbe. Mais on n’a pas prévu d’eau et le cloisonnement est si léger qu’il ne conviendrait pas pour des moutons…

Sans abreuvoir, le troupeau s’agite. Sa nervosité augmente d’un cran. Je décide d’amener les chevaux à la main au robinet où nous remplirons des seaux. On s’attend à ce qu’ils s’hydratent de 30 ou 40 litres chacun
(Blitz battra le record en avalant 60 litres !). Cela prend du temps. A la moitié de l’abreuvement, impatient d'attendre son tour, Ascot’s défonce (sans mal) la clôture, emmène tout l’attirail (piquets et fils) avec lui, renverse deux personnes, traverse le patelin au triple galop, disparait un instant avant de revenir, en galopade muni de ses guirlandes improvisées emmêlées autour du poitrail et des jambes. Nous ne passons pas inaperçus ! Bravo les belges !

On récupère nos autres équidés (étonnement calmes). Chacun tient le sien . Nous n’avons plus de clôture. Le propriétaire des lieux ne nous aide pas. A quelques-uns, nous essayons de rafistoler le matériel. Mais nous ne bénéficions d’aucun outil. Les montants de coin, pourris sont morts…

Tout le monde a soif et voudrait se rafraîchir. Je repense à une solution mongole que j’ai déjà vue en application lors d’un rassemblement en Europe. Nous pourrions utiliser notre ligne de longe. Si nous réussissons à la tendre en hauteur, en ajustant les attaches à la bonne mesure, les chevaux ne risqueraient rien et pourraient vivre jusqu’au matin assez confortablement. Nous mettons un moment à poser le dispositif . C’est compliqué, car nous ne pouvons tirer parti de que de deux arbres (pas bien gros) et la portée est de 60 mètres au moins. Notre 4 x4 sert de treuil. En fin de compte, nous sommes à peu près satisfaits, mais la ligne n’est pas convenablement tendue (peur de rompre soit la corde, soit un des arbres). Il faudra assurer une surveillance toute la nuit pour défaire les prises de longes.

Juste après, il y a quelques grincements de dents, car un dortoir est peu aéré et poussiéreux.
En plus, trop de personnes s’y sont rendues, ignorant que des lits restent disponibles dans de jolies chambres. Marie Lonay et la générosité des membres arrangent les choses.  Une heure et une bonne douche plus tard, la gaité naturelle des randonneurs s’impose à nouveau.

A 20h 30’,en zappant le repas commun,  je peux assister à la finale de la coupe du monde avec Yvon Fabry et Ralph Dejardin. Mais, après le match, les restaurateurs me font une scène pour avoir manqué leur bonne chère !

Succédant à Gwenn Joris et Arnaud Lepas, vers minuit, j’assure mon tour de garde en compagnie d’Ali. Arnaud me dit où regarder dans le ciel afin d’admirer la voie la lactée. A minuit 30’, il fait assez noir et je vois le nuage laiteux (les milliards d’étoiles de notre galaxie). Pour moi, c’est la première fois! Quand Ali va se coucher, je reste seul une demi-heure. Une grande paix règne parmi les chevaux. Beaucoup sont étendus. Certains ronflent, s’ébrouent ou mâchonnent. Des clochettes de mouton tintent dans les collines et une chouette hulule.

A deux heures, en silence Laura Defalle, Hélène Archambeau et Virginie Nyssen viennent courageusement me relayer. D’autres veilleront ensuite. Tout se passera bien, mais je n’oublierai pas ce 11 juillet de sitôt !

12 juillet

Toujours grand beau temps ! Pour une fois sur un excellent terrain, on galope 2 km, puis la file s’ébranle vers le Tarn. La rivière coule au fond des gorges 500 mètres plus bas. A la fin, le sentier étroit devient délicat. Bordé par un ravin, il dévale dans les cailloux.
Ce sera le seul passage un peu dangereux de tout le séjour.

La colonne traverse Castelbouc, un joli village cévenol adossé à la montagne sur la berge du Tarn où on a installé un balai et une poubelle, car les cavaliers y ont l’obligation de ramasser les crottins !

On fait boire les chevaux, puis retour vers Nissoulogres en attaquant l’autre versant, 500 mètres. Une heure à grimper en ménageant quelques pauses.

13 juillet

Dernier jour. Trois heures à cheval à travers le causse. Marie Lonay nous accompagne sur Shaguy car Philippe de Brogniez remonte Ojehem.  Nous nous sentons bien. On fait des photos. La cavalerie peut se reposer pendant que nous prenons un repas près du Tarn, dans une pizzeria. Beaucoup de joie quand nous nous baignons.

Vers 18 heures les chevaux repartent. Ils arriveront sans mal dés 8 h 45’ le lendemain.

Conclusion

Organiser cette aventure entrainait quelques difficultés. Grâce aux qualités des participants, ce fut un épanouissement. Marie Lonay et Anne-Cécile Huyts, souriantes, compétentes et dévouées ont assuré une excellente intendance. Nous avons rencontré en la personne de Jacques Bravais un partenaire qui nous a encadré. C’était la meilleure chose possible. Nos merveilleux chevaux se sont comportés comme s’ils avaient toujours travaillé en montagne, tout en résistant aux insectes agressifs.
C’était une expédition d’envergure comme nous n’en ferons peut-être pas avant longtemps. Ceux qui l’ont vécue s'en souviendront avec émotion.
Michel Lequarré
 

Le premier jour, la première heure.


Dès les premiers mètres, nous nous confrontons à un relief escarpé. La file marche à petits pas.
Souvent nous mettons pied à terre, chacun tirant sur la queue du cheval qui le précède.



Anne-Lise Crickboom lisant l’itinéraire sur les cartes..


Le paysage change souvent...


A 1700 mètres, sur le mont Lozère.


Ce matin, brume et pluie. Pas grave, la température reste tiède et cela nous propose d’autres images


...le sentier emprunte de larges allées alpestres à travers les rochers arrondis et les pins...


Ralph Dejardin sur Graffiti au sommet de l'Aigoual


Il y a des équidés de Przewalski, nous n’en voyons qu’un, un jeune mâle .


Sur un excellent terrain, on galope 2 km


On fait boire les chevaux, puis retour vers Nissoulogres en attaquant l’autre versant, 500 mètres.
Nous mettons une heure à grimper en ménageant quelques pauses.


Laura Defalle et Noëlle Henrotay


Un des gîtes.


Marie Lonay et Anne-Cécile Huyts, souriantes, compétentes et dévouées
ont assuré une excellente intendance.


Quelques vilaines rencontres n'ont pas terni complètement le périple...